Bataille de Woëvre et des Hauts de Meuse
(du 19 septembre 1914 au 17 novembre 1914)
 

Y étaient :

  • Marius LAPEYRE de Bras (3ème RI) est tué le le 23 septembre 1914 à Avocourt (Meuse).
  • Henri AUGIER de Saint-Maximin (1er RMTA), est blessé le 5 octobre 1914 par un éclat d'obus au fort d'Apremont (Meuse).
 

Le  camp retranché de Verdun demeurait l'objet des convoitises allemandes. La Ve Armée ennemie renouvela en sep­tembre, et poursuivit jusqu'à fin novembre 1914, ses tentatives en vue d'arracher à la sauvegarde de notre 3e Armée, ce pilier de la défense française.
Le Kronprinz impérial attachait à la chute de Verdun tout son avenir politique. Verdun, d'ailleurs, gênait les communications ennemies entre Metz et la Champagne.
L'opiniâtre résistance de Sarrail au nord de la forteresse avait coûté cher aux Allemands. Ceux­ci résolurent d'attaquer Verdun par le sud.

La place de Verdun est reliée à celle de Toul par une véritable digue : le récif calcaire des Hauts-de-Meuse, coupé de défilés sinueux. Les points faibles en sont défendus par des forts qui furent construits après la guerre de 1870-71 forts de Génicourt, des Paroches et de Troyon, fort du Camp des Romains, forts de Liouville et de Girouville.

La Woëvre est une plaine faiblement ondulée, d'argile grasse et bleuâtre, où l'eau s'amasse en étangs ; des forêts et des bois touffus achèvent d'en faire une région d'accès difficile.
Notre 1e Armée couvrait seule le front qui s'étend du sud de Toul à Belfort ; notre 3e Armée n'avait en ligne que la 7e division de cavalerie entre Vigneulles et Toul. Le 6e Corps, renforcé des 65e, 67e et 75e divisions de réserve, tenait les Hauts-de-Meuse et la Woëvre.

L'ennemi résolut de franchir la Meuse à Saint­Mihiel et Commercy, afin de couper nos communications avec Verdun, par Bar-le-Duc et Sainte­Menehould.

Vers le 19 septembre, un détachement d'Armée, commandé par le général von Strantz, surgit brusquement de Metz pour renforcer l'Armée du Kronprinz.

Le 20 septembre, l'ennemi tenait, avec une puissante artillerie lourde, la région de Thiaucourt, et assiégeait le promontoire de Hattonchâtel, qui forme saillie sur les Hauts­de-Meuse, au nord-est de Saint-Mihiel.

Les 21 et 22 septembre, l'attaque allemande se fit plus violente. Von Strantz lançait dans la trouée de Saint-Mihiel le Ve Corps, le IIIe Corps bavarois et le XIVe Corps; le Kronprinz, de son côté, avec les XIIIe et XVIe Corps, attaquait la ligne Montfaucon-Varennes, et, après un bombardement effroyable (13ème Régiment d'artillerie), s'emparait du bois d'Avocourt.
Von Strantz assaillait les trois divi­sions de réserve de l'Armée Sarrail, qui tenaient les Hauts-de-Meuse. Il s'emparait du promontoire d'Hattonchâtel, menaçait le fort de Liouville, atteignait Limey, mais ne pouvait prendre pied sur les hauteurs, arrêté par les contre-attaques furieuses de nos fantassins.
Devant cette résistance, l'ennemi changea l'axe de son offensive.
Il la reportait, le 22 septembre, en direction de Mouilly et de Dampierre, au sud­ est de Verdun. Le combat fut effroyable et nous causa des pertes sévères. Mais notre 54ème et 106e régiment d'infanterie, cruellement décimé, repoussa à Mouilly tous les assauts des Allemands. Dans le sud de la Woëvre, l'ennemi, au prix des plus grands sacrifices, réussit à s'établir sur la ligne Richecourt-Seicheprey-Lirouville.
Le Kronprinz affermissait donc ses positions sur les Hauts-de-Meuse. Sa puissante artillerie pouvait librement canonner les forts de Troyon, des Paroches, du Camp des Romains et de Liouville.

Les 23 et 24 septembre, toutes les nouvelles tentatives de l'ennemi se brisèrent au nord-est de Verdun. Mais, au sud de la forteresse, dans la nuit du 24 et dans la matinée du 25, malgré l'hé­roïsme des 367e et 368e régiments d'infanterie, les Allemands progressaient vers Saint-Mihiel qu'ils réussissaient à enlever. Sur la rive gauche de la Meuse, le fort des Paroches tenait toujours; mais le Camp-des-Romains succombait sous une avatanche de mitraille, le 26 septembre, et l'héroïsme de ses derniers défenseurs forçait l'admiration et le respect de l'ennemi.
Les attaques convergentes de nos troupes au nord et au sud du saillant de Saint-Mihiel ne permirent pas aux Allemands d'exploiter leur succès. Ils parvinrent seulement à franchir la Meuse et à s'établir à Chauvoncourt, faubourg de Saint-Mihiel.

Notre 27e régiment d'infanterie à Apremont, notre 67e régiment d'infanterie sur les Hauts-de-Meuse se couvrirent de gloire dans les contre-attaques qui rejetèrent l'ennemi sur Saint ­Mihiel.
Au nord de la Woëvre, entre Meuse et Moselle, les régiments de Toul (167e, 168e, 169e, 346e, 353e, 356e, 367e, 368e, 369e régiments d'infanterie) progressèrent habilement et infligèrent de telles pertes à l'ennemi que son XIVe Corps dut se replier en désordre. Les villages de Flirey et de Limey furent en partie dégagés.

Au soir du 26 septembre, les Allemands avaient rétrogradé sur une ligne partant de Mortmare, dans la Woëvre méridionale, et remontant à Regniéville, en pays de Haye, au nord de la route de Commercy à Pont-à-Mousson. Ce premier recul fut accentué, les semaines suivantes, jusqu'à la rive droite de la Meuse.

Les mois d'octobre et de novembre 1914 permirent à nos troupes des 1eet 3e Armées de ressaisir l'avantage, de dégager Verdun, d'en­fermer l'adversaire dans la hernie de Saint-Mihiel, de progresser à l'est de Nancy, au nord de Lunéville, autour de Saint-Dié.
Cette contre-offensive d'ensemble, faite d'une série d'attaques partielles, fut pénible et san­glante. Le terrain, de nature difficile, fut disputé avec la plus farouche opiniâtreté. Au sud de Thiaucourt, c'était la forêt de Mortmare ; au nord de Pont-à-Mousson, c'était le Bois-le­Prêtre, positions stratégiques importantes, puisque la route Thiaucourt-Nonsard-Buxerulles-Woinrville constituait pour l'ennemi la principale ligne de communication vers Saint-Mihiel.

L'épaisse forêt de Mortmare, le Bois-le-Prêtre avec son formidable retranchement du « Quart­de-Réserve », et les positions dominantes de Flirey et de Limey, furent le théâtre d'une lutte sans merci. Bombardements et fusillades faisaient rage. Chaque adversaire rétablissait en hâte les tranchées bouleversées. Des patrouilles, toutes les nuits, rampaient dans la boue, afin de surprendre petits postes ou sentinelles. Toute préparation d'artillerie déclenchait une riposte infernale. Devant Thiaucourt, la lutte fut particulièrement acharnée.
Nos sections des 367e 368e et 369e régiments d'infanterie se firent décimer dans des attaques longtemps stériles.
Au nord de Saint-Mihiel, la lutte revêtait pareil caractère.
Là combattaient côte à côte les cavaliers des 4e et 22e dragons et du 4e hussards, et les fan­tassins des 164e, 165e, 106e et 132e régiments d'infanterie.
Nos attaques furent d'autant plus incessantes que notre tac­tique était plus lente : aux difficultés du terrain s'ajoutait la faiblesse relative des effectifs que nous pouvions engager. Notre tactique consistait d'abord à contenir l'effort de l'ennemi, ensuite à le harceler sur les flancs pour menacer ses communications vers saint­ Mihiel.
En conséquence, les troupes de Toul attaquaient du sud au nord, et les unités qui dé­fendaient les hauts-de-Meuse attaquaient d'ouest en est.

Le 1e octobre, les Allemands jetaient un pont, afin de franchir la Meuse en forces près de Saint­ Mihiel. Nous réussîmes à détruire le pont et à rejeter, dans notre élan, toutes les formations ennemies sur la rive droite de la Meuse.

Le 5 octobre, nous progressions entre Apremont et la Meuse et sur le Rupt-de-Mad, en refoulant de violentes contre-attaques.

Le 7 octobre, nos offensives au nord et au sud de Saint-Mihiel contrai­gnaient les Allemands à se replier au nord d'Hattonchâtel. Après un bom­bardement qui dura trente heures, l'ennemi lançait ses colonnes en direc­tion d'Apremont, dans la nuit du 9 au 10 octobre. Sa progression difficile était arrêtée dans la soirée du 10, et les Allemands nous cédaient bientôt le peu de terrain qu'ils avaient conquis.

Le 11 et le 12 octobre, nos progrès s'affirmaient à l'est et au sud-est de Verdun. Nous avancions au nord de Malancourt, face à Montfaucon ; et l'ennemi ne réussissait pas, dans la nuit du 13 au 14, à élargir la trouée de Saint-Mihiel.

Le 12 octobre, nous avancions nos lignes sur le plateau d'Apremont; et, au Bois-le-Prêtre, nous dégagions complètement les positions de Flirey et de Limey.

Le 15 octobre, nous harcelions au sud et au nord le saillant de Saint­Mihiel.

Le 16 octobre, une attaque allemande se brisait sur nos positions de Malancourt.

Nos réactions successives nous fai­saient gagner du terrain le 22 octobre, vers Hautmont près Samogneux et Brabant-sur-Meuse. Notre artillerie (25e régiment) se distinguait le 23 octobre en détrui­sant trois batteries allemandes, dont une de gros calibre.

Des combats acharnés se livraient quotidiennement en Woëvre, qui amélioraient nos positions. C'est là que, au retour d'une reconnaissance aérienne, tombèrent sous les balles ennemies l'adjudant pilote Clamadieu et son observateur, le médecin aide-major de 1e classe Reymond, séna­teur de la Loire.
A la suite de notre progression au Bois-le-Prêtre et dans la forêt de Mortmare, notre artillerie put tenir sous son feu la route de Thiaucourt à Saint-Mihiel par Nonsard-Buxerulles et Woinville. Et dans la journée du 27, nous accentuions notre pression.

Le 29 octobre, les troupes du 6e Corps dégageaient Verdun du côté du nord, à droite et à gauche de la Meuse avec des combats difficiles dans le bois des Forges (111e,112e régiments d'infanterie, 6e régiment de chasseurs).

Le 6 novembre, nous enlevions de nouvelles tranchées sur les Hauts­de-Meuse, et le 7 nous reprenions les villages de Maucourt, de Mogeville et de Saint-Remi. (167e, 169e régiments d'infanterie)

L'ennemi, pour un temps, devait renoncer à son offensive d'envergure contre Verdun. Notre artillerie, dans ce secteur, affirmait de jour en jour la supériorité de son tir.

 L'état de l'atmosphère n'allait plus permettre que des actions limitées, trop sanglantes, mais dont nous ne pouvons énumérer le détail.

 Les « coups de main » commencèrent, inaugurés le 16 novembre, sans succès d'ailleurs, par les Allemands dans la forêt d'Apremont. En face de Saint-Mihiel, l'ennemi ne tenait plus que le village de Chauvoncourt, où s'élevaient les casernes de la garnison de Saint ­Mihiel.

Le 17  novembre nous atta­quions Chauvoncourt et nous nous emparions de la partie occidentale du village. Mais, dans l'après-midi du 18, nos positions, minées d'avance, sautaient.
Nos pertes étaient lourdes, et les Allemands réoccupaient immé­diatement Chauvoncourt.

Le front alors se stabilisa. Des duels d'artillerie s'engagèrent. Les combats de patrouilles reprirent dans la nuit. Mais Verdun, le pilier de notre défense, avait été sauvé par la ténacité de nos soldats.